Ghostlight: le théâtre comme médium du deuil

C’est le premier long-métrage au cinéma de l’actrice américaine Kelly O’Sullivan qui a également écrit le scénario du film et qui le coréalise avec Alex Thompson – Les deux réalisateurs forment d’ailleurs un couple à la ville. Dan est un ouvrier de chantier quelque peu distrait parfois – il manque de se faire écraser par un chauffard sur la route – mais consciencieux et qui tient à son travail, d’autant plus qu’il s’est engagé dans des frais d’avocat assez importants relativement à sa paie. L’on apprend que cela a à voir avec la mort de son fils Brian il y a de cela un an. Le couple qu’il forme avec sa femme Sharon en pâtit bien sûr mais il tente de surmonter cela tant bien que mal. Le problème viendrait plutôt de leur fille Daisy, qui ne supporte pas d’avoir perdu son frère et en veut terriblement à une dénommée Christine. Du coup Daisy est incontrôlable, pique des crises de colère et bouscule son professeur de lycée qui menace de la renvoyer. La situation de départ apparaît donc tout d’abord tendue.

Mais Dan se fait recruter abruptement par une femme dans la rue – qui vient de le remarquer en train d’avoir une altercation avec un automobiliste – pour jouer dans une troupe de théâtre locale sans aucun prestige du coin. D’abord emprunté et ne sachant trop quoi en penser, Dan se prête finalement au jeu et sympathise avec les autres acteurs parfois loufoques – qui donnent l’occasion d’alléger l’atmosphère lourde du récit par des scènes comiques inspirées de leur caractère – de la petite bande. Le projet ne manque cependant pas d’ambition puisqu’il s’agit de représenter le Roméo et Juliette de Shakespeare. Or, Dan s’est renfermé depuis la mort de son fils qu’il n’ose pas évoquer – malgré le procès qui approche – et il semble ne pas être dans son tempérament de livrer facilement ses sentiments. Attitude que Daisy, sa fille, ressent douloureusement, elle qui a besoin de s’épancher et de rappeler le souvenir de Brian.

Mais le film nous montre l’évolution d’un homme maladroit avec ses sentiments, qui va peu à peu s’ouvrir vers l’extérieur et à une vérité qui le dépasse grâce au pouvoir de l’illusion et à la magie du théâtre.

Mais le film nous montre l’évolution d’un homme maladroit avec ses sentiments, qui va peu à peu s’ouvrir vers l’extérieur et à une vérité qui le dépasse grâce au pouvoir de l’illusion et à la magie du théâtre. Ce dernier opère comme une catharsis sur Dan qui va apprendre à ne plus se méfier de ses émotions et à laisser sortir ce qu’il y a en lui. En même temps, le film se montre particulièrement pudique, évitant tout recours au pathos, jouant au passage de quelques scènes comiques permettant de faire respirer le récit, d’autres scènes où on le voit jouer de complicité avec sa fille, et sachant ne pas briser le moule du personnage qui, même exprimant sa douleur de témoin au procès, n’ira jamais jusqu’à verser des larmes qui auraient paru trop faciles, ou trop à l’encontre du caractère de Dan. Le personnage reste lui-même dans une maladresse touchante interprétée avec maestria par l’acteur Keith Kupferer.

L’histoire de Brian reparaît à la surface en même temps que Dan émerge de sa torpeur. Les deux actions – le montage de la pièce de théâtre et la préparation du procès – se déroulent parallèlement jusqu’à l’épiphanie. Car c’est bien à une renaissance de la Lumière censée être à l’origine de toutes choses que l’on assiste véritablement. Les lumières du théâtre évidemment qui illuminent la scène, mais aussi la manifestation de la vérité à laquelle aboutit le procès. Et l’on n’apprend la pleine vérité sur le sort de Brian qu’une fois parcouru ce chemin. La pièce de Roméo et Juliette se dévoile alors comme une mise en abyme de l’histoire du fils disparu et le suspens dramatique est maintenu jusqu’au bout. Une écriture habile qui ne verse jamais dans le pathos sur un sujet difficile à aborder – celui de la mort d’un proche et du travail de deuil qui s’ensuit – servi par une interprétation magistrale des acteurs. A découvrir.

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RÉALISATEUR : Kelly O'Sullivan, Alex Thompson
NATIONALITÉ :  Etats-Unis
GENRE : Comédie dramatique
AVEC : Keith Kupferer, Katherine Mallen Kupferer, Tara Mallen, Dolly De Leon
DURÉE : 1h55
DISTRIBUTEUR : Survivance
SORTIE LE 30 avril 2025