Funny pages : apologie de l’art du grotesque

Faire du dessin humoristique dans les journaux, c’est ce dont rêve Owen Kline depuis ses dix ans. Son attrait pour le monde de la BD s’est encore renforcé lorsqu’il a pris conscience avec le temps du regard condescendant de la société sur ce genre traité avec peu de noblesse. Réaliser son premier film Funny pages sur ce thème relevait donc en partie de l’évidence pour le jeune réalisateur.

Comédie américaine somme toute assez classique, Funny pages traite du rejet du confort et de sa dépendance à l’égard de ses parents d’un jeune adolescent passionné de BD.

Un des thèmes principaux de Funny pages est le comic book. En effet, si on a l’habitude de défendre l’art engagé dont l’objectif dépasse le seul cadre de la beauté, le comic book semble avoir du mal à trouver ses quartiers de noblesse. En réalité ce dont ce film témoigne, c’est sans doute qu’il n’est pas toujours nécessaire de s’engager à travers son art, ou de ne montrer au monde que la misère et le désespoir. Parfois, l’art peut servir à faire rire, à amuser, même si l’artiste possède ses démons et ses faiblesses. C’est ce que Funny Pages essaye de transmettre en le manifestant par le sens du grotesque. Il existe dans ce film une infinie beauté à voir Robert poser avec attention son regard sur les dessins de Wallas, car en regardant de près la séparation des couleurs des dessins, c’est l’âme de l’artiste que Robert essaie de déchiffrer. Le dessinateur fait rire, mais n’est-il pas un triste clown pleurant derrière son sourire outrancier ?

Le dessinateur fait rire, mais n’est-il pas un triste clown pleurant derrière son sourire outrancier ?

Le regard critique porté sur l’art est prépondérant dans Funny pages. En effet, une leçon différente est donnée au début et à la fin du film, laissant libre cours au spectateur de se forger sa propre opinion sur la question. Le premier mentor lui fait ressentir un art qui serait inné en lui, tandis que le message de fin du film serait au contraire que personne n’est véritablement artiste par nature et que cette qualité s’obtient par le seul travail de la technique.

Funny pages consacre une importance particulière aux personnages. Les acteurs, à la fois professionnels et non-professionnels, ont parfois été repérés dans le métro, ce qui témoigne d’un réel engagement de la part du réalisateur pour trouver les acteurs correspondant parfaitement à leurs rôles. Owen Kline se trouve en quête totale d’authenticité dans ce film et dans le choix de ses acteurs, à un tel point que certains rôles sont écrits sur mesure pour eux. Le personnage de Robert a ainsi une forte personnalité marquée par le pathos, l’autodestruction et la haine de soi. L’importance des personnages se ressent aussi dans le choix des plans. Ainsi s’enchaînent des gros plans donnant une certaine dureté au film en appuyant sur les micro-expressions des visages. Finalement, ce sont ces expressions qui finissent par marquer le film, ainsi que l’inconscient du spectateur.

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RÉALISATEUR :  Owen Kline
NATIONALITÉ : américain
AVEC : Daniel Zolghadri, Matthew Maher, Josh Pais
GENRE : Comédie
DURÉE : 1h26
DISTRIBUTEUR : A24
SORTIE LE