Il faut bien se l’avouer, pour ce qui est des séries télévisées, les américains et les anglais auront toujours notre préférence. A part quelques exceptions notables, nées de l’imagination d’Alexandre Astier (Kaamelott, si chère à notre cœur) et des créations originales Canal +, la série française a globalement tiré la tronche, se contentant de pâles copies de séries policières ou de feuilletons pour retraités. L’arrivée de Dix pour cent sur France 2, annoncée depuis un moment, avait de quoi donner envie. On espérait une plongée dans le monde du cinéma et des agents de stars (le titre de la série faisant référence au pourcentage que prennent les agents sur les salaires des stars qu’ils représentent) drôle, croustillante et énergique. Nous voilà gâtés.
Il faut dire que le principe de la série est irrésistible, provenant d’une idée originale de Dominique Besnehard, Michel Vereecken et Julien Messemackers. Besnehard, ayant été lui-même agent pendant des années, a pu gaver Fanny Herrero, la créatrice et »showrunner » de la série, d’anecdotes croustillantes permettant de donner corps à cette première saison de Dix pour cent. Les rivalités, les problèmes d’argent, les débats sur l’âge d’une actrice ayant passé 40 ans, les histoires d’ego, les conflits, les doutes, les caprices, autant de choses auxquelles les agents sont confrontés, devant alors redoubler d’inventivité et de roublardise pour chouchouter leurs stars, assurer leur cachet, mener à bien leur carrière et assurer la réputation de leur agence. A travers ces six épisodes, la série nous donne un bel aperçu du métier d’agent, de ses difficultés, de ses variantes et de ses avantages. Pour mieux appuyer son propos, Dix pour cent convoque alors un joli petit casting de guests, chaque épisode étant centré sur un ou deux acteurs et ses soucis, donnant alors l’une des trames de l’épisode. C’est ainsi que l’on pourra croiser Cécile de France, François Berléand, Audrey Fleurot, Julie Gayet ou encore Joey Starr et Line Renaud, chacun interprétant son propre rôle avec un sens de l’auto-dérision assez savoureux. La prestation de ces invités de marque est d’autant plus à saluer que de nombreux acteurs ont été frileux à l’idée de s’embarquer pour le projet, Dominique Besnehard soulignant la peur des comédiens français de jouer avec leur image publique. Nul doute que la vision de la première saison suffira à dissiper des doutes.
D’une richesse scénaristique incroyable, allant de ses personnages attachants à ses anecdotes croustillantes, Dix pour cent est l’excellente surprise de cette année 2015, une série comme on les aime et dont on espère déjà en découvrir la suite.
Car Dix pour cent ne repose pas seulement sur un amoncellement d’anecdotes sentant l’histoire vraie à plein nez (l’agent accompagnant son actrice au service des impôts, vécu par Besnehard avec Béatrice Dalle, les assistants d’agents écrivant des critiques spectateurs sur Allociné pour augmenter les notes d’un film), elle prend aussi le temps de reposer sur des personnages attachants qui sont tous très bien écrits, ne passant jamais au détriment d’un gag ou d’une scène. Non, ce qui compte dans la série, ce sont les personnages. Et ils sont variés, eux aussi également interprétés par de solides acteurs. On pourra ainsi retrouver Camille Cottin, la Connasse de Canal +, dévoilant une palette de jeu nuancée dans la peau d’Andréa, lesbienne cassante mais travaillant exclusivement sur des projets auxquels elle croit. A ses côtés, Thibault de Montalembert impose un charisme saisissant dans la peau de Mathias, le type froid un peu salaud mais pas tant que ça tandis que la galerie de seconds rôles se voit sans cesse étoffée, de la nouvelle assistante débarquant en ville à la vieille matriarche aux paroles de sages ( »Quand ça ne va pas, il y aura toujours le cinéma », phrase tellement vraie pour nous autres cinéphiles) flanquée de son chien appelé Jean Gabin.
Tout dans la série est une véritable réussite. Des intrigues amoureuses aux intrigues familiales (la nouvelle venue Camille n’est autre que la fille cachée de Mathias) en passant par les problèmes professionnels (l’agence soumise à un contrôle fiscal et menacée d’un rachat depuis la mort brutale de son patron), Dix pour cent adopte un aspect ne reniant pas les meilleurs soaps pour se transformer en une série touchante, finalement très humaine, brossant des portraits riches et complexes tout en dépeignant avec un certain amour un milieu qui a ses règles bien précises. Impossible de rester de marbre devant la richesse scénaristique d’une saison jamais avare en dialogues croustillants ( »les concours de zizi, quand ce n’est pas dans mon lit, ça ne m’intéresse pas ») et qui ne s’avère jamais artificielle, tapant toujours juste dans l’humour et l’émotion. Au final, le plus grand défaut de Dix pour cent, c’est sa durée. On aurait bien visionné le double d’épisodes pour rester un peu plus longtemps avec cette bande de personnages que l’on a déjà l’impression de si bien connaître, un peu comme des bons potes que l’on est pressés de retrouver.