Voici le deuxième opus de cette année 2025 livré par Kiyoshi Kurosawa après Chime. Le réalisateur nous avait habitué au thriller psychologique avec Cure (1997) et Kairo (2001) et c’est ce genre même qu’il reprend ici pour le mettre au service d’une dénonciation implacable de la société néo-libérale au sein de laquelle nous évoluons. Ryôsuke Yoshii est le jeune employé d’une blanchisserie à échelle industrielle qui semble fonctionner plutôt bien. Son dévouement et le soin qu’il met à effectuer sa tâche lui valent même de la part de son supérieur la proposition de monter d’un cran dans la hiérarchie de l’entreprise et une revalorisation de salaire. On se rend compte en effet à l’exiguïté de son appartement que Ryo vit chichement, ou du moins modestement, de son salaire. Mais il refuse tout net, alléguant qu’il a mieux à faire.
En effet, il s’est mis depuis peu à faire de la revente en gros d’objets divers de consommation sur internet. Et il compte bien exercer cette activité à plein temps de façon à en faire son gagne-pain. Ryo veut s’enrichir rapidement et à moindres frais. Mais le film montre que cette façon de concevoir son épanouissement économique et privé n’est pas sans contrepartie. Il se montre ainsi peu scrupuleux sur l’origine de sa marchandise et prend le risque de faire commerce de contrefaçons, ce dont la police le prévient. Ryo épuise alors son stock à bas prix pour s’en débarrasser. Mais il fait des jaloux, ainsi que des victimes collatérales. Ainsi, un complot semble s’ourdir contre lui. Un accident, le bris d’une fenêtre de la maison où il habite, de petites choses qui paraissent sans conséquences. L’action, lente à s’émouvoir, patine, et le suspens dramatique s’éternise.
Autant dire que le film nous offre le spectacle d’individus médiocres, sans espoir de salut, qui s’échinent à s’entretuer par pur instinct primaire comme c’est la loi du marché néo-libéral.
Heureusement, la dernière séquence nous offre le périple d’une chasse à l’homme d’abord puis d’un règlement de comptes brutal et sans détours enfin qui rehausse le niveau de l’action tout en faisant la part belle à la psychologie des personnages. Il est à noter que les hommes qui en veulent à Ryo font tous partie d’un ensemble composé des désespérés de la société, de ceux qui n’espèrent plus ou peu de cette dernière, qui ont été bafoués ou qui éprouve du ressentiment eu égard à leur statut social. Autant dire que le film nous offre le spectacle d’individus médiocres, sans espoir de salut, qui s’échinent à s’entretuer par pur instinct primaire comme c’est la loi du marché néo-libéral. Selon elle, en effet, les petits n’ont d’autre choix que d’être écrasés sans pitié et seul survit celui qui accepte le marché faustien de vendre son âme pour une richesse à millions: Me voici aux portes de l’enfer, murmure le héros du film.
Cloud nous offre une leçon de pessimisme comme on en voit rarement au cinéma, sans aucun espoir de rédemption possible – pas même venant de l’amour : le personnage de Akiko est obsédé par l’argent – ni de minimisation des conséquences effroyables d’un monde livré aux puissances de l’argent et du crime. Mais c’est bien cet univers noir et ténébreux qui caractérise la personnalité du réalisateur qui fait ici le constat de la société dans laquelle nous vivons tous. Aucune véritable surprise donc mais un opus tout à fait honorable dans l’ensemble pour le maître japonais du thriller. Une pierre de plus à l’édifice sombre de l’œuvre tourmentée de Kiyoshi Kurosawa.
RÉALISATEUR : Kiyoshi Kurosawa NATIONALITÉ : Japon GENRE : Drame, Thriller psychologique, Action AVEC : Masaki Suda, Kotone Furukawa, Daiken Okudaira DURÉE : 2h04 DISTRIBUTEUR : Art House SORTIE LE 4 juin 2025