Benni : l’enfant sauvage

On n’a guère eu de nouvelles du cinéma allemand depuis son coup d’éclat en 2016 à Cannes, où il a failli remporter la Palme d’or grâce à Toni Erdmann de Maren Ade, ce qui eût été mille fois mérité, par rapport au palmarès bancal et contesté dont nous ont gratifié George Miller et son jury cette année-là. Comme pour le cinéma français, il semble que le salut vienne également pour le cinéma allemand, des femmes : tout comme sa consoeur Maren Ade, échappant aux dogmes et aux écoles, Nora Fingscheidt crée l’événement, avec son film Benni, incontestablement le film à voir parmi les nouvelles sorties de cette reprise des cinémas post-confinement.  Film-choc, Benni paraît pourtant de prime abord un film-dossier pour débat de fin de soirée à la télévision. Jugez-en vous-même : Bernadette (Benni) est une petite fille de neuf ans, délaissée par sa mère en proie à des problèmes d’emploi et enfermée depuis sa petite enfance dans une violence qu’elle n’arrive plus à contenir. Se réfugiant pour se protéger dans une agressivité permanente, elle ne peut rester longtemps dans une famille d’accueil. Madame Bafané des services sociaux la confie à Michael Heller, un éducateur qui a travaillé avec des garçons délinquants. Eux seuls vont tout tenter pour lui redonner une place dans ce monde. 

Echappant aux dogmes et aux écoles, Nora Fingscheidt crée l’événement, avec son film Benni, incontestablement le film à voir parmi les nouvelles sorties de cette reprise des cinémas post-confinement.

Film-choc, Benni paraît pourtant de prime abord un film-dossier pour débat de fin de soirée à la télévision. Jugez-en vous-même : Bernadette (Benni) est une petite fille de neuf ans, délaissée par sa mère en proie à des problèmes d’emploi et enfermée depuis sa petite enfance dans une violence qu’elle n’arrive plus à contenir. Se réfugiant pour se protéger dans une agressivité permanente, elle ne peut rester longtemps dans une famille d’accueil. Madame Bafané des services sociaux la confie à Michael Heller, un éducateur qui a travaillé avec des garçons délinquants. Eux seuls vont tout tenter pour lui redonner une place dans ce monde. 

C’est sans compter sur l’ahurissante énergie vitale qui se dégage de cette bombe enfantine répondant au doux nom de Benni. Helena Zangel accomplit dans ce rôle d’enfant désaxée une performance éblouissante qui vaudrait à bien des actrices plus âgées myriade de récompenses. Passant de la violence la plus extrême à la tendresse la plus désarmante, dans des montagnes russes émotionnelles qui l’épuisent autant que le spectateur exténué, Benni n’a peur de rien ni de personne, tout comme son interprète que cette composition remarquable va tout simplement conduire à Hollywood aux côtés de Tom Hanks sous la caméra de Paul Greengrass. Benni ressemble à un petit ange mais, ne vous y fiez pas, elle souffre d’un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité, aggravé par une violence qui affecte la plupart de ses comportements avec les autres. Le miracle de l’interprétation de Helena Zangel, c’est qu’elle parvient à laisser Benni attachante, en dépit de toutes ses tares rédhibitoires (elle tire les cheveux de ses colocataires ou de ses demi-frères, elle crie sur ceux qui veulent l’aider, en particulier l’assistante sociale et l’éducateur qui ne peuvent s’empêcher de l’aimer, sentant en elle un potentiel d’amour qui ne demanderait qu’à s’épanouir). 

On pourrait s’attendre ainsi à un film-dossier mais le film est plutôt happé par une volonté de cinéma qui s’inscrit dans les thématiques éducationnelles d’un François Truffaut. On pense en effet beaucoup à L’Enfant sauvage, en nettement plus violent, œuvre qui montrait que l’éducation et la communication permettaient aux personnes les plus démunies de s’en sortir, écho de la trajectoire personnelle de Truffaut.  Benni renvoie aussi d’une autre manière à Mommy de Xavier Dolan, à travers la description au plus près de l’émotion d’un cas clinique de violence et d’hyperactivité. Les fins respectives des deux films se ressemblent d’ailleurs assez. On trouvera aussi dans Benni une belle démonstration du comportement à adopter quand une jeune enfant s’offre quasiment à un adulte, renvoyant à la responsabilité essentielle des adultes face à une immaturité enfantine qu’il convient de protéger. Quant au style, Nora Fingscheidt privilégie les prises à très grande proximité des comédiens, dans un pur esprit dardennien, ne les quittant pas d’une semelle. Même si l’essentiel du film est tourné de manière naturaliste, on devine dans les flash-backs oniriques assez lynchiens un talent visuel et sonore que la réalisatrice ne demanderait qu’à exploiter dans ses films futurs. 

Benni est ainsi un cri, celui de l’enfance négligée, délaissée, contre l’oppression de la société qui ne veut pas entendre les voix minoritaires ou rebelles. Cette déclaration de révolte est précieuse, elle représente tout ce à quoi nous avons progressivement renoncé pour rentrer dans le rang, se soumettre et obéir servilement, au prix de notre liberté. Sachons l’écouter à travers ce film.