Apparue au début des années 2010, la franchise Insaisissables apparaissait comme une sorte de mixte entre Mission : Impossible (pour les défis insurmontables à relever) et Ocean’s eleven (pour les cambriolages élégantissimes), avec quelques pincées d’Arsène Lupin (pour l’art du travestissement et de la magie) et de Robin des Bois (pour la volonté de redistribution équitable). Au départ, ce concept habile, se nourrissant à moult râteliers, n’était d’ailleurs pas une franchise mais, suite à l’immense triomphe commercial du premier volet, l’est rapidement devenu. Trois ans à peine après le premier volet réalisé par Louis Leterrier, le deuxième volet Insaisissables 2 est sorti sous la houlette de Jon M. Chu. En revanche, il a fallu neuf longues années – soit presque une décennie – pour aboutir au troisième volet qui nous occupe ici. Repris par Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombieland), ce nouvel opus ne se signale pas par une flagrante originalité, même s’il assure un cahier des charges de divertissement superficiel et efficace, dénué volontairement de profondeur.
Les Cavaliers sont de retour pour le braquage le plus impressionnant jamais imaginé ! Accompagnés d’un groupe de jeunes magiciens, recrutés spécifiquement par Daniel Atlas, ils vont devoir repousser les limites de l’illusion pour orchestrer leur tour le plus spectaculaire : réaliser le braquage le plus impressionnant jamais imaginé, dérober le Diamant-Coeur, le joyau le plus précieux du monde des mains d’une redoutable organisation criminelle, revendeuse d’armes.
En dépit d’une bande-son efficace et d’un décorum assez passable, le film semble presque dévitalisé, sauf à considérer que l’on peut apprécier un film, uniquement pour deux actrices qui ont insufflé tout leur talent à ce qui restait des narrations précédentes.
Il suffit d’énumérer les noms des divers metteurs en scène qui se sont succédé au chevet de cette franchise, Louis Letterier, Jon M. Chu et Ruben Fleischer, pour s’apercevoir que le territoire du cinéma d’auteur s’avère bien éloigné. En effet, ces habiles faiseurs, techniciens émérites n’ont jamais fait preuve d’une vision particulière de cinéma, ni même d’une certaine persistance dans l’art de la mise en scène. Nous nous trouvons fort loin de Steven Soderbergh, voire même de Christopher McQuarrie, responsable de la moitié des chapitres de Mission : Impossible. Pourtant, si la mise en scène s’avère parfois brouillonne, son énergie frénétique et cinétique rend les deux premiers opus plutôt intrigants à regarder. Avouons-le, ils se laissent même voir sans déplaisir : il s’agit de cinéma-champagne où tout repose sur la virtuosité technique de la mise en scène et l’alchimie réelle existant entre les différents protagonistes (six au total). Dans le rayon des films à la narration chorale, Insaisissables s’avère, sans être extraordinaire, relativement honorable, tout du moins en ce qui concerne ses deux premiers volets.
Car le troisième opus souffre de plusieurs sérieux défauts. Comme dix ans ont passé, ses scénaristes ont préparé le terrain à un passage du témoin entre générations de magiciens. Trois nouveaux illusionnistes font ainsi leur apparition dans ce troisième volet, interprétés par Ariana Greenblatt, Dominic Sessa et Justice Smith. Même si ces derniers ne déméritent pas, leur existence réduit la capacité d’expression de l’ensemble des personnages, les leurs mais également ceux des Quatre Cavaliers (qui deviendront en plus Cinq, ce qui n’arrangera rien). L’espace d’expression devient tellement insignifiant que la formation d’origine se trouve réduit au strict minimum, hormis Woody Harrelson qui parvient à tirer son épingle du jeu, grâce à une longue scène dialoguée en face-à-face avec la méchante du film (nous y reviendrons plus loin). Mais là où le bât surtout blesse, c’est que les scénaristes ont quasiment supprimé l’intérêt majeur, le coeur de la franchise, c’est-à-dire la confrontation complexe et quasi-oedipienne entre Morgan Freeman et Mark Ruffalo. L’un des deux disparaît assez vite et l’autre a droit à une apparition quasiment escamotée en fin de film.
Par conséquent, privée de son coeur profond, la franchise survit tant bien que mal, surtout grâce aux personnages qui existent de manière parallèle aux principaux protagonistes : Rosamund Pike, brillantissime en méchante d’opérette, qui parvient à faire ressortir par ses intonations et ses regards malicieux toute l’ironie de son personnage ; et Lizzy Caplan qui s’adjoint d’autorité à la formation initiale, en fournissant les indispensables touches d’humour dont elle est particulièrement prodigue (bien plus que Isla Fischer qu’elle avait remplacée dans le deuxième volet). En dépit d’une bande-son efficace et d’un décorum assez passable, le film semble presque dévitalisé, sauf à considérer que l’on peut apprécier un film, uniquement pour deux actrices qui ont insufflé tout leur talent à ce qui restait des narrations précédentes. C’est peut-être le cas.
RÉALISATEUR : Ruben Fleischer
NATIONALITÉ : américaine
GENRE : thriller, comédie, film de casse
AVEC : Jesse Eisenberg, Woody Harrelson, Dave Franco, Isla Fisher, Lizzy Caplan, Rosamund Pike
DURÉE : 1h52
DISTRIBUTEUR : SND
SORTIE LE 12 novembre 2025


