Once upon a time in Gaza : un conte à l’humour noir

Cette année encore, le Festival de Cannes n’a pas échappé au contexte géopolitique mondial. Dans les discours comme dans les sélections, officiellement ou plus discrètement, les guerres en cours, la montée du populisme ou encore l’isolationnisme américain se sont invités au royaume de la culture cinéphile. Deux films ont ainsi braqué les lumières de leurs caméras sur la bande de Gaza : Put Your Soul on Your Hand and Walk (de Sepideh Farsi, pour la sélection ACID) et Once upon a time in Gaza, des frères Nasser, dévoilé dans la section Un certain regard. Ce dernier, qui se déroule bien avant les événements du 7 octobre, permet d’apprécier le regard critique (et drôle) des deux réalisateurs, mais échoue quelque peu à nous percuter réellement.  

Il était une fois à Gaza, en 2007. Un jeune vendeur de sandwichs et falafels, un brin dealer, Yahya, perd son collègue Osama, tué par un flic corrompu. Quelque temps après et par le plus grand des hasards, en plein deuil, Yahya est casté pour le rôle principal dans “le premier film d’action” financé par le ministère de la Culture gazaoui. Un tournage qui lui fera recroiser l’assassin de son ami.

Avec un humour noir et absurde, et c’est là la clé, les deux frères donnent vie à des personnages attachants et des situations gentiment grotesques.



Les murs sont hauts, les espaces intérieurs comme les cours extérieures souvent contraints, l’horizon inexistant… Dans Once upon a time in Gaza, les plans ne laissent aucun doute : nous sommes plongés dans une prison à ciel ouvert, celle des Gazaouis, depuis 2007. Il n’y a pas d’échappatoire possible, et Yahya en fait l’expérience avant même le début de ses déboires avec la police et son enrôlement dans le tournage de propagande. Alors qu’il enchaîne les demandes pour sortir de Gaza, pour assister au mariage de sa sœur, celles-ci sont systématiquement refusées par Israël. Le motif ? Pas de motif. Et la fonctionnaire qui lui annonce est tout sauf surprise : « Ils font ce qu’ils veulent ». Lui qui se destinait à une vie d’étudiant sage, convaincu de l’importance de rester dans les clous, on comprend qu’il soit finalement séduit par Osama et cette vie de “gentil dealer”, beaucoup plus enthousiasmante, qu’il lui propose…

Mais Tarzan et Arab Nasser ne font pas non plus de cette population des martyrs ou des victimes. Ils brossent le portrait d’une société gazaouie, certes écrasée par le joug sioniste, mais finalement aussi corrompue et contestable qu’une autre. Le personnage du policier ripoux, ou les membres “très importants” du Ministère en incarnent la critique. Surtout, avec un humour noir et absurde, et c’est là la clé, les deux frères donnent vie à des personnages attachants et des situations gentiment grotesques. Comme lorsque, lors du tournage du film de propagande, le père d’un des enfants qui jouent vient interrompre la prise en hurlant et frappant, convaincu que son fils est réellement en train de se faire battre par la police israélienne, incapable de se figurer que l’on puisse tourner un long métrage dans son pays ! Les moyens sont d’ailleurs tellement limités, que les armes utilisées par les acteurs et figurants sont à balles réelles… 

C’est donc avec un conte assez noir et sensible que les frères Nasser nous conduisent et guident dans l’enclave de leur territoire. Un peu comme ils avaient pu le faire dans Dégradé, présenté à la Semaine de la critique à Cannes en 2015, qui filmait le huis-clos d’un salon de coiffure à Gaza. Mais on a beau savoir que Once upon a time a été terminé avant le 7 octobre 2023 et la brutale répression israélienne qui a suivi, difficile de regarder ce film sans le regret de ne pas en sortir un peu plus “secoué·es”. L’Histoire dépasse désormais de trop loin la fiction.

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RÉALISATEURS : Tarzan Nasser, Arab Nasser
NATIONALITÉ : Palestinienne
GENRE : Drame
AVEC : Nader Abd Alhay, Majd Eid, Ramzi Maqdisi
DURÉE : 1h 27min
DISTRIBUTEUR : Dulac Distribution
SORTIE LE  25 juin 2025