Nouvelle vague : l’art de la jeunesse

Il était une fois la Nouvelle Vague… Pour raconter l’histoire du plus grand mouvement cinématographique en France, né à la fin des années 50, l’équivalent au cinéma des peintres impressionnistes un siècle plus tard, Richard Linklater a choisi le biais du tournage du film le plus emblématique de la Nouvelle Vague. Car, si Le Beau Serge de Claude Chabrol peut être considéré historiquement comme le premier long métrage issu de la Nouvelle Vague, et Les Quatre cents coups de François Truffaut, comme le film le plus populaire et grand public du mouvement, il revient à A bout de souffle de Jean-Luc Godard d’incarner l’aspect moderne, innovateur et révolutionnaire du groupe de cinéastes formés par la critique aux Cahiers du Cinéma. En recréant le tournage de cette déflagration cinématographique qui a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui, Linklater réussit un pari tout à fait étonnant : nous transporter à la fin des années cinquante, comme si l’on vivait en direct cette naissance de la modernité cinématographique, Godard inventant au jour le jour une nouvelle façon de filmer, de faire jouer ses comédiens et surtout d’imprimer l’écran.

Paris, 1959. Jean-Luc Godard se désespère. Il va avoir 29 ans. Tous ses amis critiques des Cahiers du Cinéma ont déjà tourné leur film, sauf lui. C’est pourtant lui qui va tous les dépasser, en initiant une révolution esthétique : le tournage dans des conditions documentaires, le montage jump-cut, l’invention d’un nouveau naturel dans la façon de jouer. C’est l’histoire fascinante du tournage d’A bout de souffle

En montrant un génie inventer en direct son art, Nouvelle vague rend le plus bel hommage possible aux artistes, cinéastes, innovateurs etc. et donne furieusement envie de créer, d’écrire et de vivre.

A l’annonce du projet, on ne donnait pas cher de la peau de Richard Linklater. Comment recréer le tournage d’A bout de souffle? Comment surtout faire croire à des personnages qui sont autant entrés dans notre inconscient cinématographique, tels que Jean-Luc Godard, Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg? Pourtant, à l’arrivée, le résultat s’avère bluffant, d’authenticité et de naturel. Dès la première séquence, la projection de Pêcheur d’Islande, produit par Georges de Beauregard, l’inscription des noms des personnes à l’écran permet de juger de l’écart entre les acteurs choisis et leurs personnages. Si l’incarnation de Truffaut laisse à désirer, celle de Godard rafle totalement la mise : on jurerait voir et surtout entendre le fameux cinéaste franco-suisse, via un certain Guillaume Marbeck. Or, si celui-ci, sans les légendaires lunettes noires de Godard, ressemble physiquement de manière assez moyenne à son illustre modèle, c’est sa voix qui provoque un réel effet de sidération, à chaque phrase prononcée. Godard parle à nouveau à l’écran et nous embarque tel un fil rouge dans l’univers du tournage de son premier film.

Au grand déplaisir des gardiens du temple godardiens qui jugeront probablement cette initiative sacrilège, les autres acteurs s’avèrent tous relativement crédibles, sans aller jusqu’à l’effet de sidération godardien. Richard Linklater a surtout poussé le vice jusqu’à recréer le grain de la pellicule de la fin des années 50, réussissant l’impossible : nous faire croire à la véracité de ses images. Si l’on recherche un équivalent récent, il peut être trouvé dans Un Parfait inconnu, recréant l’époque des années 60 et le Greenwich Village qui ont permis l’éclosion du génie d’un certain Bob Dylan; Tout comme Mangold, Linklater s’évertue, sans génie exceptionnel mais avec un talent certain de reconstitution, à montrer comment une personne hors normes entre en action et finit par marquer l’histoire de l’art et de son temps. Il reprend pour cela le style-même; documentaire et caméra à l’épaule, d’A bout de souffle.

C’est donc l’incarnation de Godard qui emporte largement la mise : son intelligence fulgurante, sa présence physique fascinante, son comportement provocateur, rebelle et impertinent, son art du jeu de mots, ses aphorismes définitifs : « ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les pensées qui ne veulent rien dire, mais les émotions qui veulent tout dire » ; «  la meilleure critique, c’est en fait de faire un film« . En montrant un génie inventer en direct son art, Nouvelle vague rend le plus bel hommage possible aux artistes, cinéastes, etc. et donne furieusement envie de créer, d’écrire et de vivre.

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RÉALISATEUR : Richard Linklater 
NATIONALITÉ :  américaine
GENRE : comédie
AVEC : Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin
DURÉE : 1h45
DISTRIBUTEUR : ARP sélection
SORTIE LE 8 octobre 2025