Saint-Ex : la tête dans les nuages

Avant de devenir l’un des auteurs français les plus connus au monde avec de grands succès comme Le Petit Prince ou Vol de nuit, Antoine de Saint-Exupéry transportait le courrier en avion aux quatre coins du monde. Prétexte idéal pour Pablo Agüero, qui réunit enfin en un seul film ses deux pays d’origine : la France et l’Argentine. En racontant un épisode romancé de la vie du célèbre aviateur, le cinéaste signe un biopic original, poétique et surtout réussi. Le film, porté par un Louis Garrel à la hauteur du personnage, évite presque tous les écueils propres aux films tirés de faits réels tout en se parant d’une belle photographie et d’une bande-son de qualité.

Au début des années 1930, Antoine de Saint-Exupéry est pilote pour l’Aéropostale en Argentine. Quand son meilleur ami Henri Guillaumet, le meilleur pilote de la compagnie, disparaît avec son avion dans la Cordillère des Andes en plein hiver, « Saint-Ex » décide de partir à sa recherche. Cette quête le pousse dans ses retranchements, en faisant de sa capacité à rêver sa plus grande force.

Saint-Exupéry fait office de personnage principal par procuration : à travers lui, Pablo Agüero dresse le portrait d’une Argentine rurale et envoûtante.

La vie d’Antoine de Saint-Exupéry pourrait être adaptée de mille façons sur grand écran, du film de guerre à la romance en passant par la politique. Pourtant, pour son septième long métrage, Pablo Agüero a choisi une autre voie avec la poésie. Outre la beauté des plans qui mettent en valeur les paysages montagneux de l’ouest argentin, il se dégage du film une ambiance particulière qui tient davantage du conte que du biopic. Chaque séquence nous plonge dans son atmosphère propre, avec toujours un brin d’aura mystique qui nous interroge constamment sur la véracité des scènes.

L’absurde y a également sa place, que ce soit lors d’un dialogue entre Louis Garrel et une otarie ou bien lorsque l’effrayant patron de l’Aéropostale (Benoît Magimel) s’adresse à ses employés à travers une radio qui rend sa voix distordue, ce qui ne fait qu’amplifier l’effet des mauvaises nouvelles qui s’enchaînent. La musique, signée Christophe Julien, donne également plus de relief à cette absurdité ambiante en jouant sur les sons intradiégétiques, comme le bruit d’un moulin à vent qui vient subtilement se mêler aux mélodies.

Il aurait été plus cohérent, au premier abord, que le film soit un biopic d’Henri Guillaumet, interprété par Vincent Cassel, dont l’histoire de la disparition en avion dans la Cordillère des Andes n’a rien à envier à celle d’un Di Caprio dans The Revenant. Pourtant, c’est bien Louis Garrel sur qui la caméra jette son dévolu pendant près d’1h38, accompagné par Diane Kruger qui livre également une belle performance. En partant sur les traces d’Henri Guillaumet, Saint-Exupéry fait office de personnage principal par procuration : à travers lui, Pablo Agüero dresse le portrait d’une Argentine rurale et envoûtante tout en racontant la légende d’Henri Guillaumet, toujours considéré comme une grande figure de l’aviation aujourd’hui. Y avait-il meilleure manière de représenter Antoine de Saint-Exupéry au cinéma que d’en faire le conteur des aventures d’autrui ?

3.5

RÉALISATEUR : Pablo Agüero
NATIONALITÉ : Argentine
GENRE : Drame
AVEC : Louis Garrel, Diane Kruger, Vincent Cassel
DURÉE : 1h38
DISTRIBUTEUR : StudioCanal
SORTIE LE 11 décembre 2024