Avec Nayola, présenté au Festival d’Annecy 2022 puis sacré meilleur film d’animation au Festival International du Film de Guadalajara, le Portugais José Miguel Ribeiro relate une période sombre de l’histoire de l’Angola, ce pays d’Afrique centrale miné par une guerre d’indépendance puis civile. Plus qu’un témoignage sur une époque sanglante, ce beau film se transforme en leçon d’histoire, expose la vision de trois femmes sur un conflit qui a perduré dans le temps, changé à jamais l’état de l’Angola et entrainé la mort de plus d’un million de personnes. À travers son œuvre, le cinéaste explore aussi l’histoire de son propre pays, le Portugal, colonisateur de ce territoire africain qui a obtenu son autonomie en 1975. Édifiant et troublant, Nayola raconte cette guerre par le biais du regard de trois femmes, de trois générations différentes, expliquant ainsi le contexte de ce conflit et ses conséquences. On ne ressort pas indemne de ce film, dont la nécessité est évidente, et qui met en lumière tout un pan de l’histoire mondiale, synonyme de bouleversements géopolitiques.
Nayola, Lelena, Yara, issues de la même famille, se retrouvent, après une guerre ayant bouleversé leurs vies. Ses trois personnages sont les témoins de drames, d’un combat pour l’indépendance, d’un Angola souffrant.
Nayola, puissante œuvre animée, devient le bon exemple d’un genre qui est aussi destiné à se transformer en documentaire et à informer, via les images et les couleurs, sur une partie de l’histoire d’un pays étranger. Ainsi, l’animation exerce une mission historique et instructive, décrivant alors la situation longtemps fragile de l’Angola. Voici ce que fait brillamment Nayola, long-métrage passionnant traitant de cette guerre fratricide, qui pourrait devenir un excellent support pour enseigner l’histoire angolaise.
José Miguel Ribeiro réalise un devoir de mémoire sur cet événement dramatique, en exposant les points de vue de trois femmes ayant vécu les tragédies, survivantes d’un passé douloureux et d’un présent encore instable, dans un pays sérieusement déstabilisé par des années de lutte. La mère, la grand-mère et la petite-fille prennent place dans un récit dont elles sont actrices, apportent un témoignage limpide sur une époque incertaine et cruelle. Ces visions radicales juxtaposent deux époques, celle de la survie et celle où l’espoir de stabilité domine. En retraçant plusieurs décennies de fragilité et de barbarie, ce film expose un nouveau regard sur les guerres angolaises, méconnues sans doute, mais révélatrices des malaises très prégnants dans les pays du continent africain. Dans Nayola se dresse un message, celui de la politique, dans une contrée souhaitant ardemment se tourner vers des choix indépendantistes. Nous devinons aisément le contexte, commun à d’autres pays africains. Il est alors facile de se plonger dans ce récit, de voir à quel point ces combats mènent vers l’instabilité politique et vers l’indéniable souffrance d’une population prise au piège de la violence.
Aussi, Nayola explique la guerre, sans trop recourir à des scènes explicites. Cependant, il met en parallèle le parcours de ces trois femmes pour raconter la progressive évolution du pays angolais. Surtout, cela montre que le présent reste douloureusement affecté par les horreurs du passé, dans un équilibre familial secoué par les pertes et l’absence des êtres chers. Nayola développe les conséquences, et le fait merveilleusement bien, sans verser dans le larmoyant, mais en étant dans une forme de retenue émotionnelle. L’animation peut émouvoir, exprimer des choses, et José Miguel Ribeiro signe un film justement récompensé, soulevant des montagnes de questions et interrogeant sur l’espèce humaine, avide de pouvoir et prête à commettre les pires atrocités pour parvenir à ses fins. Est-ce le miroir de l’humanité ? Certainement, mais également celui d’un pays divisé, en proie à un conflit civil important. Montrer la guerre, des situations dramatiques, comment elle affecte les mentalités, comment elle détruit, voici ce que produit le cinéaste, le tout dans une animation sublime, entre 3D et peinture animée de toute beauté. Surtout, c’est une période vue par des femmes qui, successivement, passent le flambeau à la génération angolaise actuelle, telles des passeuses de messages racontant un passé encore bien ancré dans les têtes. Comme Interdit aux chiens et aux Italiens, Nayola accomplit un devoir historique, rendant humanité et dignité à toutes celles et ceux qui ont combattu fièrement.
RÉALISATEUR : José Miguel Ribeiro NATIONALITÉ : Portugal, Belgique, Pays-Bas, France GENRE : Animation AVEC : DURÉE : 1 h 22 DISTRIBUTEUR : Urban Distribution SORTIE LE 8 mars 2023